Pour l'islam, Jérusalem est la terre des prodiges, terre des prophètes, terre où furent ensevelis des Compagnons du Prophète et des savants religieux… Jérusalem c’est aussi le cœur de la terre sainte de Palestine, consacrée par un réseau de tombeaux (Moïse, Abraham…), de qubba-s (édifices à coupoles) et de lieux de culte. Certains prophètes sont vénérés dans des petits sanctuaires sur l’esplanade près des prestigieux monuments, mais cette mémoire a progressivement déserté l’imaginaire islamique. Ils ont subi l’érosion de la mémoire, ou ont perdu leur identité ou bien ils ne suscitent plus un vif élan de foi…. Pourtant au xixe siècle encore les pèlerins musulmans consciencieux munis de leurs précieux guides recherchaient sur le haram le « berceau de Jésus » le mihrâb de Zacharie et celui de David.

Le rayonnement de Jérusalem, ville sainte du judaïsme et du christianisme a précédé sa sanctification par l’islam. La sainteté de Jérusalem s’est construite lentement en puisant à la fois dans des traditions qui lient Jérusalem à la vie de Muhammad et dans les traditions juives et chrétiennes.
Le nom de Jérusalem est absent du Coran qui l'aurait désignée par « le Temple éloigné », expression qui la rattache à la tradition juive. La toponymie romaine et païenne du iie siècle - Aelia transcrite en Iliyâ - fut abandonnée pour des noms se référant à la sainteté : Bayt al-Maqdîs, Bayt al-Muqaddas, puis tout simplement, Al-Quds qui désigne la cité -, Jérusalem- mais aussi la Terre sainte, la terre des prophètes.
Le célèbre hadîth « des trois mosquées » (fin viie – début viiie) place Jérusalem au troisième rang des villes saintes après La Mecque et Médine.
La sainteté de Jérusalem s'est construite sur trois éléments fondamentaux:
- Sa position de qibla [voir module Islam II, page 8] historique des premiers « soumis » à Dieu. La jeune communauté installée à Yathrib se serait tournée vers Jérusalem pour adorer Dieu. Selon le Coran (2, 136) le Prophète a changé la direction sacrale de la prière. Des hadîth-s situent ce changement peu après l’hégire, la qibla se serait alors retournée vers La Mecque.
- Al-Quds comme horizon d’attente de la Fin des Temps.
- Le « voyage », du Prophète, son ascension constituent la matrice du destin fabuleux de Jérusalem.
L’islam des origines aurait rêvé Jérusalem avant même la conquête arabe de la Syrie-Palestine. Le texte fondateur du « rêve » musulman est le Coran. Selon l’exégèse Jérusalem serait désignée dans le premier verset de la sourate 17, Al-isrâ’ (La Marche de nuit): "Gloire à celui qui a fait voyager de nuit son Serviteur de la Mosquée très éloignée dont nous avons béni l'enceinte pour lui montrer certains de nos signes."
Le voyage fut arrimé à la « Noble Roche », le « Rocher suspendu » devint le lieu sacré où le Prophète aurait posé sa tête pour prier, on y verrait aussi la trace du pied qu’il posa avant de s’élancer vers les cieux et celles des doigts de l'ange Gabriel qui voulut retenir le rocher bien décidé à le suivre Muhammad dans son ascension. Dans la littérature islamique, la Roche ou « Noble rocher » désigne aussi bien la pierre que le monument qui la surmonte. Cette pierre est aussi associée à la tradition juive : la « pierre de fondation », le "fondement" avec la « ligature » d'Isaac et à la construction du Temple.

L’image de Jérusalem s’enrichit également de légendes populaires, de récits merveilleux et d’évocations mystiques qui rencontrent très souvent l’imaginaire juif. Comme dans la tradition juive, Jérusalem est la première terre créée par Dieu. Proche du paradis, elle « réunit les avantages de ce monde et ceux de l’Au-delà ». C’est aussi le lieu de passage de l’humanité à la fin de temps.

Dans la Palestine mandataire, les lieux saints sont au cœur des conflits entre les Arabes de Palestine et les juifs jusqu'alors considérés dans la Palestine ottomane comme des dhimmî-s [voir module Islam I, page 2](minorités tolérées et pourvues de droits). Ces tensions sont liées à la forte immigration juive et à la dynamique du mouvement sioniste. L'installation des juifs en Palestine a modifié le regard arabe sur la communauté juive qui s’est identifiée de plus en plus avec la majorité sioniste. Des émeutes éclatèrent en août 1929 à l'occasion de travaux près du mur entrepris par les autorités musulmanes. Le comité de défense sioniste y vit la volonté de troubler les fêtes juives au pied du mur (Kotel Hama'aravi) dont il revendique la propriété. Les violences firent plus de 100 morts de chaque côté.
En 1930 une commission internationale confirme le droit de la propriété de la fondation musulmane sur le mur al-Burâq, partie intégrante de la Mosquée d'al-Quds ainsi que « la chaussée bordant le mur de la cité dite “quartier des Maghrébins” faisant vis-à-vis au dit mur. Ce mur revêt pour les musulmans un caractère sacré. "Propriété de l'islam" il symbolise la lutte contre le sionisme.
Al-Quds, la ville rêvée inspiratrice de la mystique et de l’eschatologie musulmanes, lieu de conflits politico-religieux, enjeu de reconquête, de « batailles archéologiques » et d’affrontements meurtriers jusque sur l’esplanade. Aujourd’hui encore, le « mur » instrumentalisé par les deux communautés, est érigé en symbole de cohésion nationale. En 2001, une fatwa du mufti de Jérusalem, Ikrama Sa'îd Sabrî, proclame :
« Le Mur al-Burâq fait partie de la muraille de la Mosquée al-Aqsa. Qui plus est, c'est le Prophète Mohammed lui-même qui l'a sanctifié lorsqu'il y attacha (la jument) al-Burâq, qui l'avait transporté sur son dos de La Mecque à Jérusalem…. D'où nous décrétons que ce Mur est à l'Islam et qu'il n'a rien à voir avec les juifs. »