Le calendrier musulman
Le calendrier musulman est un calendrier lunaire, c’est-à-dire que le mois n’est pas une convention, mais représente effectivement une révolution de la lune autour de la terre. Comme dans le calendrier juif, il y a un décalage d’environ 11 jours avec l’année solaire, ce qui ne lie pas le calendrier au rythme des saisons. À l’époque de Muhammad, il existe une pratique appelée Nasī’ qui consiste à ajouter un mois intercalaire, comme dans le calendrier juif, ou à décaler les fêtes pour les lier au cycle des saisons, ce qui perturbe le calendrier, qui comporte quatre « mois sacrés ». En interdisant le Nasī’, Muhammad fait du calendrier musulman un calendrier lunaire sans lien avec le calendrier solaire : l’année musulmane est toujours plus courte que l’année grégorienne de 11 jours.
Muhammad fait un autre choix qui fait du calendrier musulman un calendrier unique en son genre : le primat de l’observation sur le calcul dans la détermination du début du mois. Muhammad prescrit de faire commencer les mois selon l’apparition de la nouvelle lune. La conjonction terre – lune – soleil est très facile à calculer en astronomie, mais il prescrit l’observation : le mois commence lorsque la nouvelle lune est visible après le coucher du soleil, car le jour musulman commence au coucher du soleil. Cette prescription provient d’un ḥadīṯ sur la détermination du début et de la fin du mois de ramadan : si, au soir du 29e jour, on peut observer la nouvelle lune, le 1er jour commence, sinon, c’est le 30e. Les théologiens musulmans ont interprété ce ḥadīṯ comme une interdiction du calcul astronomique, d’où des variations dans le jour effectif de célébration d’une fête.
Il existe néanmoins un calendrier musulman fondé sur le calcul astronomique : le calendrier musulman tabulaire. Il fait alterner des mois de 30 et 29 jours et, selon un cycle préétabli, porte le dernier mois de l’année à 30 jours 11 fois dans un cycle de 30 ans. Ce calendrier a pour origine le shī’isme ismaïlien. Avec ce système, le cycle de 30 ans correspond à 30 années lunaires à 35 secondes près.
Récemment, les pays musulmans ont tenté d’améliorer l’observation en s’aidant de l’astronomie. C’est le cas de l’Arabie Saoudite, avec le calendrier d’Umm al-Qura, qui détermine par le calcul si la nouvelle lune est observable ou non au soir du 29e jour. Néanmoins, pour la détermination des mois associés à des fêtes religieuses, l’observation prévaut. Les musulmans turcs utilisent un calendrier entièrement fondé sur le calcul : le mois commence lorsque la nouvelle lune est observable quelque part sur Terre.
La diversité des situations crée une certaine confusion : le début du mois peut s’étaler sur 3 ou 4 jours en fonction des communautés musulmanes.

Le cycle des fêtes
Les fêtes musulmanes sont des fêtes fixes, mais leur date effective peut varier en fonction des différentes traditions.

Muharram (mois sacré)

• 10 Muharram : ‘Āshūrā’ (dix). C’est une fête mineure pour les sunnites : un jeûne (facultatif) rappelle le jeûne de Moïse après la sortie d’Égypte. Pour les shī’ites, c’est une des fêtes les plus importantes : ils commémorent le martyr d’Hussein, fils d’Ali et petit-fils de Muhammad, massacré avec 72 compagnons après avoir été battu par les troupes califales lors de la bataille de Kerbala (10 Muharram 61 / 10 octobre 680). C’est le début d’une période de deuil de 40 jours.

Safar

• 20 ou 21 : ‘Arba’īn (quarante). Dans l’islam shī’ite, il marque la fin de la période de deuil commencée le 10 Muharram. Il est marqué par un pèlerinage à Kerbala.

Rabīa‘ al-Awwal

• Mawlid : la naissance du Prophète. Cette fête est tardive : la plus ancienne mention date du xe s. Ce caractère récent entraine son rejet par certains courants de l’islam, comme le salafisme ou le wahhabisme, qui y voient une innovation inutile. Comme la date de naissance de Muhammad n’est pas connue avec certitude, la fête est célébrée à des dates différentes : le 12 dans l’islam sunnite et le 17 dans l’islam shī’ite.

Rabīa‘ at-Thānī
Jumādā al-’ūlā
Jumādā at-Thānī

Rajab (mois sacré)

• 27 : Laylat al-mi’rāj (la nuit de l’ascension). Cette fête commémore le voyage effectué par Muhammad vers la « mosquée lointaine » située à Jérusalem. Ce voyage comporte deux parties : le voyage proprement dit (’Isrā’) puis l’ascension de Muhammad aux cieux (mi’rāj) suivi de son voyage aux Enfers en compagnie de l’ange Gabriel.

Sha’bān<

• 15 : Laylat al-Bara’at (nuit du Salut). Cette fête est marquée par des prières nocturnes pour le pardon des péchés. Les shī’ites duodécimains fête aussi la naissance du dernier imam, Muhammad al-Mahdī.

Ramadan : mois du jeûne (sawm)

• Laylat al-Qadr (nuit du destin). Cette fête commémore la révélation du Coran. Cette révélation a lieu en deux temps : l’ange Gabriel (Jibril) reçoit l’intégralité du Coran de Dieu lors de cette nuit, puis il le révèle progressivement à Muhammad pendant 23 ans. La fête doit se dérouler dans les dix derniers jours du mois, et se produire un jour impair. Cela explique des variations dans les traditions. La tradition sunnite insiste sur le 27 de Ramadam, tandis que la tradition shī’ite préfère le 23 de Ramadan.

Shawwāl

• 1 : ‘Aīd al-Fitr (fête de la rupture), qui marque la fin du jeûne. C’est aussi le moment où le fidèle acquitte l’aumône (zakat), un des piliers de l’islam.

Dhū al-Qi’da (mois sacré)<
Dhū al-Hijjah (mois sacré)

• 8 au 10 : temps du Hajj, le pèlerinage à La Mecque, qui est un des piliers de l’islam.
• 10 au 13 : ‘Aīd al-Adhā (fête du sacrifice). Cette fête très importante commémore le sacrifice d’Abraham.

L’ ‘Aīd al-Adhā
L’ ‘Aīd al-Adhā (la fête du sacrifice) est la fête la plus importante du calendrier musulman comme l’indique son nom alternatif, l’ ‘Aīd al-Kabīr (la grande fête). La fête est dite Kurban Bayramı (fête du sacrifice) en turc et Tabaski (nom d’une fête pré-islamique) en Afrique occidentale et centrale. Il se situe après un temps fort du calendrier musulman : le pèlerinage à La Mecque.
La fête commémore le sacrifice fait par Abraham (Ibrāhīm). Le Coran (XXXVII, 99-107) comporte un récit qui diffère de celui de la Bible (Genèse 22, 1-17), même si l’on y retrouve les trois éléments principaux : l’obéissance d’Abraham, l’arrêt du sacrifice au dernier moment et la récompense d’Abraham.
La fête s’ouvre par des prières spécifiques aux deux ‘Aīd. Celles-ci doivent être dites en congrégation. Elles s’achèvent par un sermon de l’imam. Vient ensuite le temps des réjouissances, où l’on fait des visites à la famille et aux amis, et où il est de coutume de faire des cadeaux aux enfants.
Le geste le plus spectaculaire est le sacrifice d’un animal pour rappeler le sacrifice d’Abraham. La viande est partagé en 3 : un tiers pour la famille, un tiers pour les proches et les amis, un tiers pour les pauvres.
La fête est très importante car elle met en valeur la soumission non seulement d’Abraham, mais aussi d’Ismaël. Ici, la victime est volontaire. D’où l’importance que ce soit Ismaël, i.e. l’ancêtre des Arabes (et plus spécifiquement de Muḥammad), qui fasse preuve de cette soumission à la volonté divine. Du coup, la récompense de la fidélité d’Abraham, c’est l’autre fils, Isaac.
L’identification de la victime à Ismaël permet de lier l’ ‘Aīd al-Adhā à plusieurs moments du hajj, ce qui explique qu’il se situe juste après les trois jours du pèlerinage. En effet, dans la tradition musulmane, le hajj a été institué par Abraham après qu’il a construit la Ka’aba avec l’aide d’Ismaël. Le premier jour du pèlerinage, les pèlerins doivent faire sept fois le trajet entre les collines al-Safa et al-Marwah pour rappeler le trajet d’Haggar à la recherche d’eau alors qu’elle et son fils Ismaël avaient été abandonnés au désert.
Le jour de l’ ‘Aīd, les pèlerins jettent des pierres sur trois piliers (remplacés depuis 2004 par des murs). Ce geste rappelle celui d’Abraham, qui répond à Satan venu le dissuader de sacrifier son fils en lui jetant des pierres.