3. Credo et dogmes
Le christianisme est l’une des rares religions qui élabora un Credo (un mot qui vient du latin et qui signifie « je crois »), c’est-à-dire une ensemble de croyances qui sont énoncées verbalement. Le croire (et son énonciation) est un élément décisif du christianisme. L’élaboration de ce credo se fit à la suite de longs débats au cours des premiers siècles, sans clore l’élaboration de dogmes (doctrines contenues dans la révélation divine proposés par l’Église).
Credo de Nicée-Constantinople
Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré et non fait, consubstantiel (homoousios) au Père, par qui tout a été fait ; qui pour nous hommes et pour notre salut est descendu des cieux, s’est incarné par le Saint-Esprit, de la Vierge Marie et s’est fait homme ; qui en outre a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, a souffert, a été enseveli et est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures ; qui est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père, d’où il viendra avec gloire juger les vivants et les morts ; dont le règne n’aura pas de fin.
Nous croyons au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, doit être adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les saints prophètes.
Et l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés. Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Ainsi soit-il.
Credo de Nicée-Constantinople (381). Traduction : abbé Guyot, La Somme des Conciles généraux et particuliers, T. I, 1869, 2e édition, p. 127. Ce qui est en italique est un ajout par rapport au texte résultant du concile de Nicée, en 325.
Le concile de Constantinople a produit un symbole, c’est-à-dire un ensemble de formules résumant la foi chrétienne. Mais de ce concile il n’est resté aucun acte, et aucun document contemporain n’atteste de ce symbole. En fait, il apparaît comme tel uniquement dans les actes du concile de Chalcédoine de 451. Si certains historiens ont mis en doute que ce texte provienne du concile, la plupart s’accorde pour y voir la création du concile.
Il reprend les éléments principaux de Nicée, en particulier la notion de « consubstantiel » (homoousios) : par-là, il s’agit d’affirmer (notamment contre Arius) que le Fils est de même substance que le Père, qu’il n’en est pas une créature, qu’il n’y a pas qu’une simple ressemblance entre Fils et Père ni une unité purement morale. Ce terme, forgé avec les outils conceptuels de la philosophie grecque, est nouveau, et surtout il est absent des Écritures. Après une longue discussion, il a néanmoins été adopté par la majorité des évêques réunis à Nicée.
Il diffère sur quelques points de celui de Nicée, notamment pour ce qui concerne le Saint-Esprit. La divinité de ce dernier n’avait pas été remise en question en 325. Elle l’est au moment du concile de Constantinople, qui développe donc sur l’Esprit saint, en proclamant sa divinité. Cependant, il n’est alors pas question de l’Esprit qui procède du Fils (cf. module « Histoire » p. 5) : cette question émerge plus tard au sein du christianisme latin et va être un point de discorde entre l’Église latine et l’Église grecque. À la fin du VIe siècle, en Espagne, le credo est modifié pour dire que le Saint Esprit procède du Père et du Fils. Cette modification se généralise en Occident sous l’action de Charlemagne, et au début du XIe siècle, le pape l’accepte. Le christianisme grec le refuse, jusqu’à aujourd’hui.
Il est aussi à noter que le credo est rédigé à la première personne du pluriel ; ce n’est que plus tard que la première personne du singulier est employée, pour renforcer le caractère individuel de la profession.
Des 21 conciles œcuméniques
En complément, nous ajoutons la liste des 21 conciles œcuméniques reconnus par l’Église catholique. Seuls les 4 premiers sont reconnus par les protestants ; seuls les 7 premiers sont reconnus par les orthodoxes.
Concile (lieu) | Date | Principales thématiques |
Nicée I | 325 | Contre la doctrine d’Arius |
Constantinople I | 381 | Confirmation du concile de Nicée |
Éphèse | 431 | Condamnation du nestorianisme |
Chalcédoine | 451 | Adoption de la doctrine diophysite |
Constantinople II, III | 553 | Contre le nestorianisme |
Constantinople III | 680-681 | Contre le monothélisme |
Nicée II | 787 | Autorise et précise la vénération des images |
Constantinople IV | 869-870 | Contre le schisme du patriarche Photius |
Latran I, II, III, IV | 1123, 1139, 1179, 1215 | Règlement de la querelle des investitures. Mesures de réforme de l’Église d’Occident. Lutte contre les hérésies. Définition de l’eucharistie |
Lyon I, II | 1245, 1274 | Déposition de l’empereur Frédéric II. Union avec l’Église grecque |
Vienne | 1311-1312 | Dissolution de l’ordre des Templiers et réforme des ordres mendiants |
Constance | 1414-1418 | Fin du schisme d’Occident. Condamnation de Wyclif et Hus |
Bâle, Ferrare, Florence, Rome | 1431-1445 | Union avec les Églises d’Orient |
Latran V | 1512-1517 | Réforme du clergé. Concordat avec François Ier |
Trente | 1545-1563 | Réforme de l’Église catholique |
Vatican I | 1869-1870 | Foi et raison. Primauté et infaillibilité pontificales |
Vatican II | 1962-1965 | Renouveau de l’Église catholique. Liberté religieuse |
Table made by Anna Van den Kerchove.
Constitution Munificentissimus Deus
En l’autorité de notre seigneur Jésus-Christ, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et par notre propre autorité, nous prononçons, déclarons, et définissons comme un dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, la Vierge Marie, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire céleste.
La constitution dont le titre signifie en français « Dieu très munificent » institue, en 1950, le dogme de l’Assomption de Marie. Ce dogme fait référence au précédent dogme, défini en 1854, de l’Immaculée Conception. Pour définir ce nouveau dogme, le pape Pie XII (1939-1958) se réfère à l’autorité de Jésus-Christ, à celle de Pierre et de Paul dont les papes s’estiment les légitimes héritiers ; c’est aussi la première fois (et la seule fois à ce jour) où le pape fait jouer l’infaillibilité pontificale (un dogme défini en 1870, selon lequel le pape ne peut se tromper quand il s’exprime ex cathedra, c’est-à-dire en tant que Docteur suprême de l’Église et en engageant sa pleine autorité apostolique).
Ce dogme de l’Assomption de Marie, défini tardivement dans l’Église catholique (il n’est pas reconnu comme dogme dans les autres confessions chrétiennes), repose sur la croyance ancienne selon laquelle Marie n’a pas connu la mort et a été élevée directement au ciel. Dans les quatre évangiles canoniques, rien n’est dit sur la fin de la vie de Marie. En revanche, des indications sont données par des écrits « apocryphes » connus sous le titre Transitus Mariae, dont les plus anciens remontent à la fin du Ve siècle, mais remontant probablement à des traditions du IIe siècle.
Ces textes, bien que rejetés, notamment en Occident, jouèrent un rôle dans la liturgie grecque, en inspirant la Dormition de Marie fêtée le 15 août chez les orthodoxes. En Occident, se met également peu à peu en place la fête de l’Assomption le 15 août aussi. Ces fêtes ont des points communs, sans être identiques : Marie est bien morte selon la tradition orthodoxe ; de plus, désormais, la fête de l’Assomption est liée au dogme de l’Immaculée Conception qui est rejeté en Orient.
Concernant le dogme de l’Assomption, il est à noter que le pape utilise une formule relativement vague « après avoir achevé le cours de sa vie terrestre », ne prenant pas position sur la réalité de la mort de Marie.
Cette croyance inspire de nombreux artistes.
Apostolic Constitution Munificentissimus Deus (November 1, 1950), 44. Retrieved from : http://www.vatican.va/holy_father/pius_xii/.._munificentissimus-deus_en.html (08/12/2014)