Le mont Moriah
Le livre des Chroniques (dernier livre de la Bible) situe sur Har haMoryah (le Mont Moriah) l’épisode de la ligature d’Isaac, lorsqu’à la demande de Dieu, Abraham prend son fils Isaac pour l’offrir en holocauste. Un ange arrête la main d’Abraham, lui signifiant l’interdiction du sacrifice de son fils et Abraham nomme ce lieu sur un jeu de mot bâti autour du verbe hébreu ra’a (voir) : « Abraham appela cet endroit YHWY yir’e (verra), et l’on dit aujourd’hui, sur le mont YHWH yira’e (sera vu) » (Genèse 22, 14)
Après que le roi David eût conquis la ville aux Jébuséens, il déplaça la capitale de son royaume de Hébron à Jérusalem, ville neutre, n’appartenant à aucune des douze tribus d’Israël, et située au centre de son royaume. La ville est parfois appelée ‘Ir David (Cité de David).
David fait transporter l’Arche d’Alliance à Jérusalem et Dieu promet à David que c’est son fils qui bâtira le Temple et que sa royauté sera affermie à jamais (2 Samuel 7 12-16)
Le roi Salomon, fils de David et Bethsabée, fait bâtir le Temple sur le mont Moriah, appelé dès lors également mont du Temple, en hébreu Har haBeit (mont de la Maison), le Temple étant appelé Beit haMiqdach (Maison de Sanctification).
Le culte juif s’organise autour du Temple de Jérusalem. La tribu de Lévi a la charge du culte, partagée entre les Lévites et les Cohanim (pluriel de Cohen, prêtre), les descendants en ligne directe d’Aaron, frère de Moïse. Des sacrifices quotidiens ont lieu au Temple et pour les trois fêtes de pèlerinage annuelles – Pessaẖ, Chavouot et Souccot – les Juifs sont appelés à monter à Jérusalem.
Le Talmud dit que le Temple accueille la Sheẖina (Présence de Dieu, du verbe shaẖen, résider), laquelle est supposée suivre le peuple en exil et comme lui, espérer le retour à Jérusalem. La mystique juive compare la Sheẖina à une mère aimante et attentive au sort du peuple juif.
Le jeûne court (du lever au coucher du soleil) du 17 du mois de tammouz commémore la première brèche faite dans le Premier Temple par les troupes babyloniennes (586 av. JC), puis à la même date dans le Second Temple par les troupes romaines de Titus (70 ap. JC). Ce jeûne inaugure une période de trois semaines d’affliction qui se conclut le 9 av, par un jeûne long (du coucher au coucher du soleil suivant) qui rappelle la destruction du Temple par ces mêmes troupes.
À l’époque du Second Temple, le roi Hérode le Grand (73 av. JC – 4 av. JC) fait agrandir l’esplanade du Temple en ceinturant le mont du Temple par une immense muraille en forme de quadrilatère.
Le Kotel Ha-Ma’aravi (Mur Occidental), appelé par les Juifs tout simplement haKotel (le Mur) et Mur des Lamentations dans la tradition chrétienne, est un vestige de cette muraille. Cet endroit a acquis un caractère sacré par sa proximité avec le Saint des Saints du Temple, dont on ne peut plus situer exactement l’emplacement sur l’esplanade du Temple.
Les musulmans ont bâti le Dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa (la Lointaine) sur le mont du Temple, qu’ils nomment al-Ḥaram ash-Sharif (le Noble Sanctuaire).
Le mont Sion
Har Tsyon (mont Sion) tient son nom de l’hébreu tsyoun (borne, signal). Il a longtemps désigné le mont du Temple puis, dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, le nom s’est déplacé pour désigner une autre colline à proximité, sur laquelle se situent actuellement le tombeau dit du roi David et l’église Saint-Pierre-en-Gallicante.
Lors de la conquête de Jérusalem, le nom Sion désigne aussi la ville jébuséenne originelle. « Mais David s’empara de la forteresse de Sion, c’est la Cité de David » (2 Samuel 5, 7). Puis Sion désigne l’ensemble de la ville à l’époque biblique. Mais Sion peut aussi désigner l’ensemble de la Judée et même tout le peuple d’Israël.
Le rhétorique sémitique exprime le parallélisme entre Sion et Jérusalem par le chiasme suivant : « De Sion proviendra la Torah et la parole d’YHWH de Jérusalem ? » (Isaïe 2, 3)
Avec la destruction du Second Temple (70 ap. JC) et l’exil du peuple juif, Sion symbolise la nostalgie pour la terre d’Israël. C’était déjà le cas à l’époque du premier exil à Babylone (de 597 à 538 av. JC), comme en témoigne le psaume 137 : « Sur les rives des fleuves de Babylone, là nous nous assîmes et pleurâmes en nous souvenant de Sion. » (Psaume 137, 1).
L’espoir du retour à Sion est exprimé dans le psaume 126, chanté avant les actions de grâce de fin de repas le Shabbat et les jours de fêtes : « Quand YHWH ramena les captifs de Sion, nous étions comme rêveurs, alors notre bouche s’emplit de rire, notre langue d’allégresse » (Psaume 126, 1-2).
Le premier mouvement de retour en terre d’Israël à la fin du XIXe siècle pris le nom H̱oveve Tsyon (Amants de Sion). Il fut suivi en 1897 par la création du mouvement sioniste au congrès de Bâle.
La Tsyonout (sionisme) est une idéologie politique qui vise à restaurer la souveraineté juive dans un but nationaliste et émancipateur et qui a abouti à la création de l’État d’Israël en 1948. Elle regroupe des options idéologiques qui vont de la gauche à l’extrême droite. Au sens propre, l’antisionisme est le refus de reconnaître l’existence de l’État d’Israël comme nation souveraine et indépendante.
Jérusalem
Un première mention est faite d’une ville nommée Shalem (Salem) lors de la rencontre entre Malki-Tsedeq (Melchisédec) et Avraham (Abraham) : « Et Melchisédec, roi de Shalem, apporta du pain et du vin : il était prêtre du Dieu suprême. » (Genèse 14, 18)
Le nom de Jérusalem en hébreu, Yerouchalayim, contient la racine trilitère CH-L-M qui exprime la paix (shalom), l’idée d’être achevé, complet (shalam) ou entier (shalem). Le suffixe –ayim n’indique ni le singulier ni le pluriel, mais le duel. Cette dualité est exprimée par le Talmud qui élabore l’idée d’une Jérusalem céleste, que Dieu ne rejoindra pas avant d’avoir pu entrer dans la Jérusalem terrestre.
Le nom de Jérusalem revient à de nombreuses reprises dans la liturgie juive, tout d’abord pour demander à Dieu sa reconstruction. Les bénédictions qui suivent les repas, par exemple, contiennent le souhait suivant : « Construis Jérusalem, la ville sainte, promptement et de notre vivant. Bénis sois-Tu YHWH qui construit Jérusalem. Amen. »
La nostalgie de Jérusalem s’exprime lors du repas rituel de Pessaẖ (Pâque) avec la formule reprise par l’ensemble des convives : « L’an prochain à Jérusalem »
Le nom de Jérusalem est associé à la joie du mariage. Les bénédictions nuptiales incluent les versets suivants : « On entendra encore dans les montagnes de Judée et dans les rues de Jérusalem, la voix de la joie et la voix de l’allégresse, la voix du fiancé et la voix de la fiancée » (Jérémie 33, 10-11). Cette bénédiction est devenue un chant célèbre, entonné et dansé dans les fêtes de mariage.
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La centralité de Jérusalem, ville du Temple, se manifeste dans certaines prières qui requièrent de se tourner vers la ville sainte. L’armoire sainte, qui contient les rouleaux de la Torah dans les synagogues, est placée en direction de Jérusalem et dans certaines communautés, les familles avaient coutume d’accrocher à un mur du domicile un tableau ou une calligraphie peinte ou gravée sur laquelle était inscrit mizraẖ (orient) de façon à indiquer la direction de Jérusalem.
La relation entre Jérusalem et la Torah est si forte que bien des villes de la Diaspora reconnues pour l’importance de leur yeshivot (maisons d’études) sont appelées Jérusalem. C’est le cas de Vilnius, la Jérusalem de Lituanie, centre d’étude de la Torah important du XVIIIe siècle jusqu’à la Shoah.
Le plan de partage de la Palestine en deux États, voté par l’ONU le 29 novembre 1947, prévoyait de faire de Jérusalem une zone internationale. Les combats entre Israël et les États arabes voisins, de mai 1948 à janvier 1949, ont modifié les frontières : la partie occidentale de Jérusalem est devenue israélienne, la partie orientale, comprenant la vieille ville et les lieux saints, devenant jordanienne. Israël décida le 23 janvier 1953 de faire de Jérusalem-Ouest sa capitale, décision non reconnue par la communauté internationale.
Après la conquête jordanienne de la vieille ville, le quartier juif fut entièrement rasé. Les Juifs n’eurent plus accès au Mur Occidental jusqu’à la guerre des Six-Jours.
Pendant la guerre des Six-Jours (5-10 juin 1967), Israël conquit la partie orientale de Jérusalem. Le 30 juillet 1980, l’État d’Israël déclara Jérusalem comme « capitale entière et unifiée ».
La question du statut de Jérusalem demeure épineuse. Ville sainte pour les trois religions abrahamistes, elle a pour les Juifs un caractère unique. Rome, Constantinople, La Mecque sont des villes saintes pour les chrétiens ou les musulmans, les Juifs ne sont attachés qu’à Jérusalem. Il sera donc nécessaire de séparer la question religieuse de la question politique pour trouver un compromis acceptable tant par les Israéliens que par les Palestiniens.
Dans l’Israël contemporain, Jérusalem est perçue comme une ville où la coercition religieuse peut être pesante, à l’opposé de Tel-Aviv ou de Haïfa, villes laïques. Mais il existe un consensus pour refuser une nouvelle frontière fermée partageant la ville entre Israéliens et Palestiniens. C’est un défi auquel il faudra répondre, illustrant la place particulière qu’occupe cette ville dans l’Histoire, et qui obligera les belligérants à trouver une voie singulière pour aboutir à la paix. Paix que Yeroushalayim, Jérusalem, porte dans son nom.